SUJET DU BAC 2011
Chaque degré de bonne
fortune qui nous élève dans le monde nous éloigne davantage de la vérité, parce
qu’on appréhende plus de blesser ceux dont l’affection est plus utile et
l’aversion plus dangereuse. Un prince sera la fable de toute l’Europe, et lui
seul n’en saura rien. Je ne m’en étonne pas : dire la vérité est utile à celui
à qui on la dit, mais désavantageux à ceux qui la disent, parce qu’ils se font
haïr. Or, ceux qui vivent avec les princes aiment mieux leurs intérêts que celui
du prince qu’ils servent ; et ainsi, ils n’ont garde de lui procurer un avantage
en se nuisant à eux-mêmes.
Ce malheur est sans
doute plus grand et plus ordinaire dans les plus grandes fortunes ; mais les
moindres n’en sont pas exemptes, parce qu’il y a toujours quelque intérêt à se
faire aimer des hommes. Ainsi la vie humaine n’est qu’une illusion perpétuelle
; on ne fait que s’entre-tromper et s’entre-flatter. Personne ne parle de nous
en notre présence comme il en parle en notre absence. L’union qui est entre les
hommes n’est fondée que sur cette mutuelle tromperie ; et peu d’amitiés
subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu’il n’y est
pas, quoiqu’il en parle alors sincèrement et sans passion.
L’homme
n’est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soimême et à
l’égard des autres. Il ne veut donc pas qu’on lui dise la vérité. Il évite de
la dire aux autres ; et toutes ces dispositions, si éloignées de la justice et
de la raison, ont une racine naturelle dans son coeur.
Pascal, Pensées
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