Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-à-dire d’une privation,
c’est-à-dire d’une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais pour un désir
satisfait, dix au moins sont contrariés ; de plus le désir est long, et ses
exigences tendent à l’infini ; la satisfaction est courte, et elle est
parcimonieusement mesurée. Mais ce contentement suprême n’est lui- même
qu’apparent : le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir ; le
premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore
reconnue. La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement
durable et inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle
lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain – Tant que
notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à
l’impulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait
naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur
durable, ni repos. Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la
jouissance, c’est en réalité tout un : l’inquiétude d’une volonté toujours
exigeante, sous quelque forme qu’elle se manifeste, emplit et trouble sans
cesse la conscience ; or, sans repos le véritable bonheur est impossible.
Schopenhauer
Ce blog tient à jour les articles du cours de philosophie Thaumadzo. Dans ces pages, vous pourrez découvrir en quoi consiste ce cours, à quel public il s'adresse, quelles sont les modalités pratiques et qui contacter pour s'inscrire.
mardi 22 janvier 2013
Cours du 22 janvier : L'équité, argument pour l'euthanasie ?
Nous l'avons dit en traitant des lois, parce que
les actes humains pour lesquels on porte des lois consistent en des cas
singuliers et contingents, variables à l'infini, il a toujours été impossible
d'instituer une règle légale qui ne serait jamais en défaut. Mais les
législateurs, attentifs à ce qui se produit le plus souvent, ont porté des lois
en ce sens. Cependant, en certains cas, les observer va contre l'égalité de la
justice, et contre le bien commun, visé par la loi. Ainsi la loi statue que les
dépôts doivent être rendus, parce qu'elle est juste dans la plupart des cas. Il
arrive pourtant parfois que ce soit dangereux, par exemple si un furieux a mis
une épée en dépôt et la réclame pendant une crise, ou encore si quelqu'un
réclame une somme qui lui permettra de combattre sa patrie. En ces cas et
d'autres semblables, le mal serait de suivre la loi établie; le bien est, en
négligeant la lettre de la loi, d'obéir aux exigences de la justice et du bien
public. C'est à cela que sert l'épikie, que l'on appelle chez nous l'équité.
Aussi est-il clair que l'épikie est une vertu.
Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIa IIae q.120 a.1
mardi 8 janvier 2013
Cours du 8 janvier : Le libre arbitre
L’homme possède le libre
arbitre, ou alors les conseils, les exhortations, les préceptes, les
interdictions, les récompenses et les châtiments seraient vains. - Pour établir
la preuve de la liberté, considérons d’abord que certains êtres agissent sans aucun
jugement, comme la pierre qui tombe vers le bas, et tous les êtres qui n’ont
pas la connaissance. - D’autres êtres agissent d’après un certain jugement,
mais qui n’est pas libre. Ainsi les animaux, telle la brebis qui, voyant le
loup, juge qu’il faut le fuir ; c’est un jugement naturel, non pas libre, car
elle ne juge pas en rassemblant des données, mais par un instinct naturel. Et
il en va de même pour tous les jugements des animaux. - Mais l’homme agit
d’après un jugement ; car, par sa faculté de connaissance, il juge qu’il faut
fuir quelque chose ou le poursuivre. Cependant ce jugement n’est pas l’effet
d’un instinct naturel s’appliquant à une action particulière, mais d’un
rapprochement de données opéré par la raison ; c’est pourquoi l’homme agit selon
un jugement libre, car il a la faculté de se porter à divers objets. En effet,
dans le domaine du contingent, la raison peut suivre des directions opposées,
comme on le voit dans les syllogismes dialectiques et les arguments de la
rhétorique. Or, les actions particulières sont contingentes ; par suite le
jugement rationnel qui porte sur elles peut aller dans un sens ou dans un
autre, et n’est pas déterminé à une seule chose. En conséquence, il est
nécessaire que l’homme ait le libre arbitre, par le fait même qu’il est doué de
raison.
Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, Ia, q.83, a.1
Cours du 8 janvier : Aristote, les dieux sont dans la cuisine
Aristote, Les parties des animaux.
Mais, ayant déjà traité de ce grand sujet et
ayant exposé ce que nous en pensons, il ne nous reste plus ici qu'à parler de la nature
animée, en ne négligeant, autant qu'il dépendra de nous, aucun détail, quelque bas ou
quelque relevé qu'il soit. C'est qu'en effet, même dans ceux de ces détails qui peuvent ne pas
flatter nos sens, la nature a si bien organisé les êtres qu'elle nous
procure, à les contempler, d'inexprimables jouissances, pour peu qu'on
sache remonter aux causes et qu'on soit réellement philosophe.
Quelle contradiction et quelle folie ne serait-ce donc pas de se complaire à regarder de simples
copies de ces êtres, en admirant l'art ingénieux qui les produit,
en peinture ou en sculpture, et de ne point se passionner encore plus vivement
pour la réalité de ces êtres que crée la nature, et dont il
nous est donné de pouvoir comprendre le but !
Aussi, ce serait une
vraie puérilité que de reculer devant
l'étude
des êtres
les plus infimes. Car dans toutes les œuvres de la nature, il y a toujours place pour l'admiration, et
l'on peut leur appliquer à toutes sans exception le mot qu'on prête à Heraclite, répondant aux étrangers qui étaient venus pour le
voir et s'entretenir avec lui. Comme en l'abordant, ils le trouvèrent qui se chauffait au
feu de la cuisine : « Entrez sans crainte, entrez toujours, » leur dit le philosophe,
«
les Dieux sont ici comme partout. » De même, dans l'étude des animaux, quels qu'ils soient, nous ne devons jamais détourner nos regards dédaigneux, parce que,
dans tous indistinctement, il y a quelque chose de la puissance de la nature et
de sa beauté.
Il n'y a jamais de hasard dans les œuvres qu'elle nous présente. Toujours ces œuvres ont en vue une certaine fin ; et il n'y a rien au monde où le caractère de cause finale éclate plus éminemment qu'en elles.
Or la fin en vue de laquelle une chose subsiste ou se produit, est précisément ce qui constitue
pour cette chose sa beauté et sa perfection.
Que si quelqu'un était porté à mépriser comme au-dessous de lui
l'étude des autres animaux,
qu'il sache que ce serait aussi se mépriser soi-même; car ce n'est pas sans la plus grande répugnance qu'on parvient à connaître l'organisation de
l'homme, sang, chairs, os, veines et tant d'autres parties du genre de celles-là.
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