Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes
mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras
sur la société tout entière; il en couvre la surface d'un réseau de petites
règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits
les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour
pour dépasser la foule; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les
plie et les dirige; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce
qu'on agisse; il ne détruit point, il empêche de naître; il ne tyrannise point,
il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin
chaque nation a n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont
le gouvernement est le berger.
Alexis de Toqueville, De
la démoncratie en Amérique, II, 4ème partie, chap. 6
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