mardi 12 février 2013

Débat du 12 février : Le vol est-il toujours une faute morale ?


Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique

Les biens extérieurs peuvent être envisagés sous un double aspect. D'abord quant à leur nature, qui n'est pas soumise au pouvoir de l'homme mais de Dieu seul, à qui tout obéit docilement. Puis quant à leur usage; sous ce rapport l'homme a un domaine naturel sur ces biens extérieurs, car par la raison et la volonté il peut s'en servir pour son utilité, comme étant faits pour lui. On a démontré plus haut, en effet, que les êtres imparfaits existent pour les plus parfaits. C'est ce principe qui permet à Aristote de prouvera que la possession des biens extérieurs est naturelle à l'homme.

IIa, IIae, q.66, art.1


La définition du vol comporte trois éléments. Le premier est son opposition à la justice, qui attribue à chacun ce qui lui appartient; de ce chef le vol est l'usurpation du bien d'autrui. Le deuxième élément distingue le vol des péchés contre les personnes, comme l'homicide et l'adultère. A ce titre le vol s'attaque aux biens possédés par autrui. En effet, prendre à quelqu'un, non ce qui lui appartient comme sa possession, mais ce qui est comme une partie de lui-même, ainsi lui enlever un membre, ou une personne qui lui est unie, sa fille ou son épouse par exemple, ce n'est pas à proprement parler un vol. Enfin le troisième élément qui achève la notion de vol, est de s'emparer du bien d'autrui en secret. Le vol est donc rigoureusement défini: « L'usurpation secrète du bien d'autrui.

IIa, IIae, q.66, art.3

En considérant la notion de vol, on peut y découvrir deux raisons de péché. D'abord son opposition à la justice, qui rend à chacun ce qui lui est dû. Et ainsi le vol s'oppose à la justice parce qu'il consiste à prendre le bien d'autrui. De plus il est entaché de tromperie ou de fraude, puisque le voleur agit en secret et comme par stratagème en usurpant ce qui appartient à autrui. Il est donc manifeste que tout vol est un péché.

IIa, IIae, q.66, art. 5

Dans la nécessité tous les biens sont communs. Il n'y a donc pas péché si quelqu'un prend le bien d'autrui, puisque la nécessité en a fait pour lui un bien commun.
Ce qui est de droit humain ne saurait déroger au droit naturel ou au droit divin. Or, selon l'ordre naturel établi par la providence divine, les être inférieurs sont destinés à subvenir aux nécessités de l'homme. C'est pourquoi leur division et leur appropriation, oeuvre du droit humain, n'empêchent pas de s'en servir pour subvenir aux nécessités de l'homme. Voilà pourquoi les biens que certains possèdent en surabondance sont dus, de droit naturel, à l'alimentation des pauvres; ce qui fait dire à S. Ambroise et ses paroles sont reproduites dans les Décrets: « C'est le pain des affamés que tu détiens; c'est le vêtement de ceux qui sont nus que tu renfermes; ton argent, c'est le rachat et la délivrance des miséreux, et tu l'enfouis dans la terre. »
Toutefois, comme il y a beaucoup de miséreux et qu'une fortune privée ne peut venir au secours de tous, c'est à l'initiative de chacun qu'est laissé le soin de disposer de ses biens de manière à venir au secours des pauvres. Si cependant la nécessité est tellement urgente et évidente que manifestement il faille secourir ce besoin pressant avec les biens que l'on rencontre - par exemple, lorsqu'un péril menace une personne et qu'on ne peut autrement la sauver -, alors quelqu'un peut licitement subvenir à sa propre nécessité avec le bien d'autrui, repris ouvertement ou en secret. Il n'y a là ni vol ni rapine à proprement parler.
IIa, IIae, q.66, art.7

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